Le 21 juillet 2001, dans le grand temple de Dhagpo Kundreul Ling, Künzik Shamarpa Mipham Chökyi Lodrö consacre la majestueuse statue du Bouddha Shakyamuni, qui devient désormais un puissant support de bénédiction pour toute personne pénétrant en ce lieu unique.
Sa venue pour accomplir le rabné – cérémonie de consécration afin d’assurer que « la divinité demeure parfaitement » marque l’aboutissement d’un processus traditionnel qui a duré plusieurs années. Lama Kunkyab, chargé à l’époque de la décoration du temple, explique que, dans un premier temps, lama Shérab Gyaltsen Rinpoché avait consacré le trône, au moyen d’un rituel faisant usage de 108 vases pour les nagas, 108 pour les devas et 108 pour les norlas.
Le lotus à la base de la statue est rempli de riz, de blé et de substances végétales. Le soching, l’arbre de vie placé dans l’axe vertical à l’intérieur de la statue, porte à une extrémité un dorjé et à l’autre un stoupa, tous deux en bois sculpté ; les calligraphies dont il est le support sont exécutées à la poudre d’or ; des prières sont tracées avec des pigments naturels.
Shérab Gyaltsen Rinpoché a fait don de substances précieuses et des pierres précieuses ont également été offertes par des donateurs. Toutes ces substances ainsi que les grands rouleaux de mantras préparés pendant les mois précédents et placés à différents endroits à l’intérieur de la statue, et les reliques ayant appartenu à d’éminents lamas sont consacrés par des rituels. Le XVIIe Gyalwa Karmapa, lors de sa visite à Kundreul Ling, avait également participé à ces rituels de consécration.
Pour que les statues soient d’authentiques supports de bénédiction, elles doivent être consacrées de manière correcte. D’un point de vue extérieur, la statue est à l’effigie du Bouddha, mais si elle reste un réceptacle vide, elle véhicule moins de bénédiction. Les mantras du Bouddha sont une source pour cette bénédiction, le soching, arbre de vie placé au centre de la statue, en est une autre. Ceci est comme un “tendrel”, un “lien de bon augure” créé par la qualité du façonnage extérieur et l’authenticité des rituels de remplissage et de la consécration en elle-même. Ce tendrel, créé par cette activité positive, est le véhicule d’une immense bénédiction. Voilà pourquoi la statue, remplie d’un grand nombre de mantras, devient le réceptacle du corps, de la parole et de l’esprit du Bouddha et donc de sa bénédiction. Dans les temps anciens, les statues façonnées par les maîtres accomplis étaient consacrées par le pouvoir de leur samadhi. Il n’était donc pas nécessaire d’effectuer des rituels. Mais les temps ont changé, et il nous faut, aujourd’hui, utiliser des mantras.
Künzik Shamarpa, dans un entretien avec la revue Karmé Guendune, (No 13, Septembre 2001)
Haute de cinq mètres et pesant près d’une tonne, la statue a été conçue et réalisée par l’artiste français Gérard Guinot, depuis son atelier en Bourgogne. Inspiré par l’Égypte ancienne et l’art des cathédrales, il découvre le bouddhisme au temple de Dashang Kagyu Ling en Bourgogne, où il rencontre notamment Jamgön Kongtrül Rinpoché et Kalou Rinpoché. Il se forme auprès de sculpteurs bhoutanais. À la demande de Jamgön Kongtrül Rinpoché, il réalise, avant la statue de Kundreul Ling, différentes œuvres destinées aux lieux de la lignée aux alentours de New York (États Unis) ainsi qu’à Rumtek, au Sikkim.
C’est à la demande de lama Guendune Rinpoché qu’il réalise une maquette d’un mètre pour le bouddha du grand temple de Kundreul Ling.
Il m’a fait des remarques et donné des conseils, mais pas des conseils formels. C’était plutôt des conseils assez elliptiques, comme “le Bouddha est assis sur une discipline stable” pour la base. Et donc il fallait que je traduise ça en termes concrets.
Dans quel état d’esprit se réalise une statue ?
Il ne faut pas s’imaginer qu’on est en état de méditation. Non ! C’est la motivation profonde qui fait qu’après, ça suit son cours. Et puis il faut de la patience, de la précision et bien sentir justement que la statue soit vraiment inspirante. Quand on fait une statue, il y a évidemment le côté extérieur et technique, mais la créativité est plutôt dans le sens de la rendre inspirante. Un être qui médite, forcément, il faut que ça émane de la détente. Par exemple, si les épaules sont un peu tendues, on peut le voir dans la statue, la bonne assise se ressent dans la position des pieds, les mains aussi.
La statue, en feuilles de cuivre recouvertes d’or, est réalisée en l’espace d’une année, en collaboration avec son frère, un compagnon du Devoir spécialisé en chaudronnerie dans le Jura. En raison de sa taille, l’assemblage, un moment critique dans la réalisation, se fait sur place, ce qui a occasionné quelques difficultés pour entrer le convoi dans le temple. Le grand nombre de parties à assembler nécessite de nombreuses soudures.
Faire des parties, techniquement, ne pose pas de problèmes insolubles. Mais l’assemblage qui fait que ça forme un tout et que ce soit inspirant est le plus difficile. Il faut ajuster les morceaux jusqu’à ce que ça aille , explique Gérard.
La dorure, réalisée sur place par Céline, résidente à Kundrel Ling à l’époque et aujourd’hui doreuse professionnelle, est appliquée sur une laque de couleur rouge afin de mieux tenir ; la peinture du visage est réalisée, juste avant la consécration, par le peintre Denzong Norbou.
Le matin même de la consécration, une lumière orange brille sur la chaîne du Puy-de-Dôme, signe pour Shamarpa que « Manjushri nous rend visite » se souvient Kunkyab. Shamarpa avait reçu une grosse perle d’une disciple asiatique qu’il souhaitait insérer entre les deux yeux du Bouddha, à l’emplacement du troisième œil. Kunkyab se souvient :
Pour mettre cette perle, Gérard a dû aller taper un peu à cet endroit-là avec son petit marteau. On avait loué une nacelle et Shamar Rinpoché a voulu aller lui-même poser la perle avec Gérard. Alors ils sont allés derrière le rideau qui cachait encore la statue pour poser la perle.
Künzik Shamarpa mène la cérémonie du rabné, en présence d’une centaine de monastiques et de la communauté laïque environnante. Cela commence par des ablutions et des offrandes. Puis Shamarpa se place devant la statue et, tenant un miroir qui reflète le Bouddha, il y trace des syllabes avec de l’eau consacrée. Ensuite, il retire la kata masquant les yeux de la statue et c’est à ce moment-là que le Bouddha devient réellement vivant.
Ainsi, le grand temple du Bost, résultant d’un des souhaits du XVIe Karmapa Rangjung Rigpé Dorjé pour permettre l’accès aux enseignements authentiques du Bouddha en Occident, est aussi le reflet d’un dialogue entre l’Asie et l’Europe, entre des maîtres tibétains et des pratiquants européens, créant autant de « tendrels » avec la sagesse du Bouddha. Consacrée par Künzik Shamarpa, la statue est un reflet de l’empreinte de la lignée qui s’ancre toujours plus profondément. Pour Gérard, ce chemin lui permet d’unir son activité à sa quête spirituelle.
C’est merveilleux. On est obligé de constater qu’il y a un lien entre l’esprit qui façonne la matière et la matière. Il n’y a pas de rupture. Et cela reste un mystère pour moi.
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial
Événement
Pour commémorer cet événement, le lundi 21 juillet les souhaits des Kagyu Mönlam seront récités au grand temple de Dhagpo Kundreul Ling de 10 h à 12 h 30 et de 14 h 30 à 17 h 30.
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