Le 6 mai 1983, dans le quartier Barkor à Lhassa, dix-huit mois après le décès de Sa Sainteté le XVIᵉ Gyalwa Karmapa Rangjung Rikpé Dorjé le 5 novembre 1981, est née sa réincarnation, qui sera plus tard reconnue par le XIVe Künzik Shamarpa.
Son père, le IIIᵉ Mipham Rinpoché, une émanation de Manjushri, est la réincarnation du Ier Mipham Rinpoché, maître nyingma renommé et érudit influent. Il passa treize ans en retraite à Junyung Gompa, son monastère au Tibet, où il accomplit 2000 nyoung-nés, le rituel de Chenrezik à mille bras.
Sa mère, Dechen Wangmo, originaire de la région du Kham, vient d’une famille de pratiquants du Dharma très dévoués. Alors qu’elle était enceinte de quatre mois à Lhassa, son mari, Mipham Rinpoché, dut s’absenter pour s’occuper de ses responsabilités spirituelles au Kham.
« Il me donna des instructions très précises à suivre, comme être végétarienne, faire des souhaits, des circumambulations et veiller à ce que tout se passe bien pour l’enfant et pour moi », se souvient-elle lors d’un entretien donné à Dhagpo Kundreul Ling en 2004.
Quand j’étais enceinte de Sa Sainteté, j’ai rêvé d’un très grand homme avec une longue barbe blanche. Je ne savais pas de qui il s’agissait alors j’ai demandé à Mipham Rinpoché. Il m’a dit que c’était un signe très favorable et que je devais continuer à faire des souhaits. Après dix mois et dix jours, j’ai donné naissance au Karmapa à l’hôpital. L’infirmière et le médecin m’ont dit qu’au moment de la naissance, il n’y avait pas de sang mais un liquide blanc, comme de l’eau. Mipham Rinpoché avait insisté pour que mon père soit à mes côtés. Il m’a dit qu’il y avait eu des arcs-en-ciel ce jour-là.
À plusieurs occasions, très jeune, le Karmapa, alors connu sous le nom de Tenzin Khyentsé, donne des signes quant à son identité. Dechen Wangmo en témoigne dans l’entretien cité ci-dessous et dans le documentaire From Youth to Mastery :
Quand le Karmapa n’avait même pas un an, nous étions à Lhassa. Un jour, j’étais avec la sœur du XVIeᵉ Karmapa, Dorjé Kandro. Nous discutions autour d’un thé et le Karmapa était dans mes bras. En la voyant, tout son visage s’est illuminé de joie. ‘Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu as ?’ lui demanda-t-elle. Il leva les bras et dit : ‘Je suis le Karmapa’. Nous étions toutes les deux surprises qu’il puisse parler et Dorjé Kandro était très émue. Elle crut immédiatement que c’était vrai, elle était sûre que c’était lui. Le XVIᵉ Karmapa lui avait dit qu’ils se rencontreraient certainement de nouveau… Pour Sa Sainteté, Dorjé Kandro confectionna de très beaux habits, très doux, dans des tissus magnifiques. Elle était très contente et me pria de faire très attention au Karmapa. C’était un enfant très sage, très doux, qui ne se mettait jamais en colère. Il était vraiment gentil avec ses parents tout le temps.
Dechen Wangmo donna naissance à un deuxième fils, Sönam Tsemo Rinpoché, reconnu comme la huitième réincarnation de l’un des grands maîtres et pères fondateurs de la tradition sakya, le 1er Sönam Tsémo
Au sens littéral, Karmapa signifie « celui qui détient l’activité de tous les bouddhas » afin d’aider les êtres sensibles. Dans un enseignement donné en août 2018, lama Jigmé Rinpoché explique :
Karmapa est au-delà de notre conception ordinaire. Ce n’est pas un individu ordinaire comme vous et moi. Lorsque nous pratiquons, le rôle de la bénédiction est crucial. Elle aura un effet sur la façon dont nous voyons et comprenons les choses. Cette bénédiction prend sa source dans la qualité de ces grands êtres. Lorsque nous pratiquons, nous établissons un contact entre la qualité de ces grands êtres et nous-mêmes. Ce contact est un soutien sur notre chemin. Les ‘grands êtres’ font référence aux bodhisattvas comme le Gyalwa Karmapa ou Chenrezik, c’est-à-dire des êtres entièrement libérés de l’ignorance et dont le seul but est le bienfait de toute vie sensible, quelle qu’elle soit.
Ce principe de l’éveil et de réceptacle de la lignée est au-delà de notre saisie ordinaire. Si sa forme humaine peut nous amener à le percevoir comme un individu à part entière, les pratiquants de l’Himalaya le considèrent comme le « Bouddha Karmapa » (Sangyé Karmapa). Au XIIe siècle, avant de mourir, le Ier Karmapa Düsum Khyenpa, un disciple de Gampopa, décrivit les circonstances de sa renaissance. Le IIe Karmapa, Karma Pakshi (1204-1283) fut reconnu comme sa réincarnation, marquant le début de la première tradition des lamas réincarnés du Tibet. Depuis, les Karmapas se sont manifestés dans une continuité ininterrompue de réincarnations jusqu’à nos jours.
Historiquement, l’une des responsabilités clés du Shamarpa est de préserver l’authenticité et la pureté de la lignée kagyü, et de ce fait, de trouver l’émanation véritable du Karmapa. En 1996, lors d’une réunion karma kagyü au KIBI (Karmapa International Buddhist Institute) à New Delhi, Mipham Chökyi Lodrö, Sa Sainteté le XIVe Shamarpa, explique :
Le processus de reconnaissance et d’identification d’une incarnation est une pratique purement spirituelle. Reconnaître les incarnations est une activité éveillée.
(Tendrel 41, aôut 1996)
Cette démarche de reconnaissance de l’actuel Karmapa commence en 1986, alors qu’ il n’a que trois ans. Elle a notamment impliqué les indications du maître sakya Chögyé Trichen Rinpoché, celles d’un disciple spirituel réalisé qui avait reçu une prédiction détaillée du XVIe Karmapa à propos de sa future incarnation, des pratiques intensives de Shamarpa auprès du Jowo Zamling Karpo (statue de Chenrezik) à Katmandou, et auprès de la statue de Tara à Pharping (Népal), ainsi qu’une retraite contemplative. Avec la plus grande discrétion, compte tenu de la situation politique, Shamarpa a envoyé également au Tibet des enseignants de confiance, tels que Lopön Tsechu Rinpoché, afin de rencontrer l’enfant. Künzig Shamarpa s’est lui-même rendu incognito au Tibet dans le but de rencontrer la réincarnation, mais la surveillance chinoise l’a empêché d’approcher le jeune garçon ou ses parents. Le 15 janvier 1994, le XVIIe Karmapa s’est enfui en Inde, une date qui correspond à une prédiction du XVIe Karmapa :
« Je ne resterai pas.
Je me rendrai en des lieux lointains – je ne suis pas certain où —
Pour mettre en œuvre les résultats du karma du passé.
Le coucou vient au Tibet au printemps.
Un jour, lorsque la triste mélodie sera chantée six fois,
Tous ceux qui comptent sur moi penseront :“où est l’homme Rikdröl ?”
N’est-ce pas triste ?
[Les gens] diront :
“Celui à la grande renommée qui s’appelle Rikdröl
N’est pas là, et nous ne sommes pas sûrs de l’endroit où il est allé.”
En son cœur, la cane se fie au lac,
Mais le lac éhonté invite la glace comme partenaire et se scelle.
En son cœur, la lionne blanche se fie au glacier,
Mais le magnifique glacier blanc invite le soleil comme partenaire.
Je n’en dirai pas plus maintenant. Ce n’est qu’une plaisanterie !
Lorsque la plaisanterie rejoint le sens véritable,[alors], au moment de saisir la victoire, lors de l’année de l’oiseau,
Je souhaite que nous nous rencontrions dans la joie et la gaieté ! »
Prophétie de Rangjung Rikpé Dorjé, Sa Sainteté le XVIe Gyalwa Karmapa, Tsurphu, Tibet, 1944
Les parents et le frère de Karmapa se sont enfuis séparément du Tibet. Deux mois plus tard, le 17 mars, Künzik Shamarpa tient une cérémonie publique de reconnaissance de Trinley Thayé Dorjé à New Delhi. En 1996, à Bodhgaya, il conduit la traditionnelle cérémonie de la « coupe de cheveux » du XVIIe Karmapa.
En tant que nirmanakaya suprême, le Karmapa est au-delà de l’étape de l’entraînement, mais afin d’accomplir le bienfait de ses disciples et de tous les êtres sensibles, il poursuit un entraînement intensif dans les traditions des soutras et des tantras du Bouddha Dharma transmis par d’éminents enseignants tels que Künzik Shamarpa lui-même, mais aussi Topga Rinpoché, professeur Sempa Dorjé et khenpo Chödrak Tenphel Rinpoché.
Il reçoit les initiations de son rang afin de continuer la transmission ininterrompue de la lignée karma kagyü. Shamarpa a aussi veillé à ce que Karmapa reçoive les enseignements et transmissions d’autres lignées bouddhistes et de grands maîtres, tels que Chögyé Trichen Rinpoché, Luding Khenchen Rinpoché et Pewar Rinpoché. Nous en avons relayé certains sur ce site des 50 ans. En 2004, après avoir complété son éducation formelle, Shamarpa confère au XVIIe Karmapa la fonction de vidhyadhara, détenteur de la lignée karma kagyü.
Dans le documentaire « From Youth to Mastery », le jeune Karmapa explique :
« La fonction et la signification du Karmapa a toujours été d’accomplir le bienfait de tous les êtres à travers l’enseignement, le développement et la diffusion de la lignée de transmissions karma kagyü, et cela a été fait à travers toutes les incarnations du Karmapa. […] Au moment où j’ai été reconnu comme le Karmapa, on m’a confié la grande responsabilité non seulement d’aider quelques individus mais aussi de m’engager pour le bien-être de tous les êtres. Tel est mon engagement en tant que Gyalwa Karmapa. »
Karmapa Tchenno
« Nous récitons ce mantra Karmapa Tchenno dans le but de nous libérer de la souffrance et d’atteindre l’état de bouddha pour le bienfait de tous les êtres. Ce mantra particulier signifie littéralement « Karmapa connaît tout ». Karmapa connaît tous les besoins des êtres ; lorsque nous l’invoquons, il peut accomplir nos souhaits par le pouvoir de sa compassion et par la force de son esprit d’éveil. Donc, quand nous récitons ce mantra, nous disons :‘ parce que vous êtes le Bouddha omniscient et que vous savez que nous sommes dans la souffrance, vous êtes venu en ce monde pour notre bienfait et pour nous libérer de cette souffrance’.. »
Khenpo Tséring, Tendrel No. 41
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial
Événement
L’anniversaire du XVIIe Gyalwa Karmapa ainsi que les transmissions qu’il a reçues de Künzik Shamar Rinpoché à Kundreul Ling seront marqués par une journée de pratique à Dhagpo Kagyu Ling et à Dhagpo Kundreul Ling.
Une partie de cet événement aura lieu uniquement sur place et une autre en ligne et en présentiel.
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