Au printemps 1977, la communauté s’active à Landrevie : il s’agit de finir le temple historique pour pouvoir accueillir Rangjung Rikpé Dorjé, Sa Sainteté le XVIe Gyalwa Karmapa, qui est de retour en terre périgourdine deux ans après sa première visite en janvier 1975. Sa venue est grandement attendue par lama Guendune Rinpoché et lama Jigmé Rinpoché ainsi que par la petite communauté de pratiquants qui a commencé à se former autour d’eux depuis leur arrivée en 1975. Tsony, disciple de lama Guendune Rinpoché, se souvient :
Karmapa loge au château de Chaban, la propriété de Bernard Benson et de son épouse, car il n’y a ni douche ni sanitaire ni logement décent à Landrevie à l’époque. « Nous allions nous laver aux douches municipales de Montignac ! », ajoute Tsony.
Le 1er juillet 1977, la cour de ce qui n’est pas encore la maison des lamas mais un simple corps de ferme très rudimentaire, est aménagée en temple à ciel ouvert. Un trône est construit par Frisou et Max. Zimpönla, le chambellan de Karmapa qui était arrivé avec lama Jigmé Rinpoché en Dordogne en mai 1975, tient à ce qu’une large assise rembourrée soit confectionnée pour que Karmapa puisse s’asseoir confortablement sur le trône. Tsony se rappelle :
Zimpönla voulait qu’un gros coussin soit confectionné. Il est allé dans le grenier où nous stockions les vêtements qu’on nous donnait. Il a pris tous les vêtements pour faire le rembourrage de l’assise !
Le trône, surmonté d’un dais de brocart, est installé devant une tenture chatoyante. Une centaine de personnes emplit la cour et attend que Karmapa prenne place pour accomplir la cérémonie de la Coiffe Noire.
Origine de la « Coiffe Noire dont la Vue Confère la Libération »
Au début des années 1400, le Ve Gyalwa Karmapa, Deshin Shekpa (1384-1415) accepte l’invitation du troisième empereur Ming de Chine, Yong Le (1360-1424), à venir enseigner à la cour impériale. Le voyage depuis le Tibet jusqu’à la capitale Nanjing dure trois ans. Karmapa voyage avec un entourage appelé le Campement Éminent qui Orne le Monde (garchen dzamling gyen གར་ཆེན་འཛམ་གླིང་རྒྱན། en tibétain). Des milliers de pratiquants ermites, de renonçants authentiques ainsi que toute l’administration de Karmapa se déplacent avec lui. Le campement évolue donc lentement vers la Chine, s’arrêtant à de nombreuses reprises pour que Karmapa puisse dispenser enseignements et initiations en chemin. Une fois parvenu à la capitale impériale, pendant 22 jours, Karmapa offre à la cour une série d’enseignements et d’initiations extraordinaires. L’empereur Yong Le développe alors une profonde confiance en Karmapa. Lors de l’une des cérémonies dirigée par le Karmapa Deshin Shekpa, il perçoit une coiffe noire flottant au-dessus de la tête de celui-ci.
Profondément inspiré par cette expérience, l’empereur demande la permission à Karmapa de réaliser une réplique fidèle de ce qu’il a vu. Le Karmapa y consent et l’empereur guide alors les artisans dans la reproduction de la coiffe. Bien qu’elle soit d’un bleu profond, elle paraît noire à distance et devient ainsi connue sous le nom de Coiffe Noire dont la Vue Confère la Libération (üsha tong drol དབུ་ཞྭ་མཐོང་གྲོལ། en tibétain). [Insérer image du Sertreng du 5e GK avec l’empereur Yong Le]
La coiffe est un aspect inhérent à la manifestation physique de tous les Karmapas. Bien avant sa naissance en tant que Düsum Khyenpa, dans une vie antérieure, le Ier Karmapa (1110-1193) avait atteint le dixième bhumi des bodhisattvas. Chaque fois qu’un bodhisattva atteint un tel degré de réalisation, les bouddhas des dix directions se rassemblent pour conférer au nouveau bodhisattva de la dixième terre une initiation spéciale : l’initiation du Samadhi Semblable au Vajra. Dans le cas de l’être qui allait devenir le Karmapa dès le moment de cette initiation, cette coiffe tissée avec les cheveux de cent mille dakinis est devenue une caractéristique inhérente à sa personne. Appelée la Coiffe de Sagesse se Manifestant Naturellement (yeshe rangnang gi chöpen ཡེ་ཤེས་རང་སྣང་གི་ཅོད་པན། en tibétain), elle ne peut être vue que par ceux qui possèdent une vision pure permettant de percevoir les bouddhas sous leur forme éveillée, ou sambhogakaya en sanskrit. Bien qu’imperceptible pour la plupart des êtres ordinaires, un disciple à l’esprit pur empreint d’une confiance inébranlable peut voir cette coiffe se manifestant naturellement. Ainsi, lors de sa rencontre avec le XVIe Karmapa, le XIIIe Dalaï-Lama, Thupten Gyatso (1876-1933), perçoit que ce dernier revêt aussi une seconde coiffe en plus de sa coiffe matérielle.
La Coiffe dont la Vue Confère la Libération ne constitue pas seulement une représentation physique importante des qualités des Karmapas ; elle est aussi un moyen par lequel ces qualités peuvent inspirer les êtres et accomplir leur bienfait. Dans ce but, les Karmapas du passé ont développé une cérémonie qui a pris le nom de Cérémonie de la Coiffe Vajra, ou Cérémonie de la Coiffe Noire. Bien que les témoins de cette cérémonie soient des êtres ordinaires, quand ils font l’expérience de voir le Karmapa porter la coiffe matérielle, cela est le signe annonciateur du moment où, dans le futur, leur esprit purifié sera capable de percevoir pleinement les qualités des êtres éveillés, sans avoir recours à un support extérieur. L’histoire ne précise pas quand la toute première cérémonie de la Coiffe Noire fut conduite, mais il est clair que cette pratique était largement répandue à l’époque du IXe Karmapa, Wangchuk Dorjé (1556-1603).
En ce 1er juillet 1977, le XVIe Gyalwa Karmapa s’avance vers le trône sur lequel il prend place. Tsony se souvient clairement : « On m’avait dit que c’était un grand lama, mais il n’était pas de très grande taille ! Un peu comme Shamar Rinpoché. Il avait cependant une allure vraiment impressionnante ! Il était comme un éléphant ! »
La cérémonie débute par une requête adressée à Karmapa en tant qu’émanation de Chenrezik (Avalokiteshvara). Elle est suivie d’une offrande de mandala, puis de la pratique traditionnelle en sept branches, comme lors de toutes les cérémonies de la Coiffe Noire avant celle-ci. Karmapa entre en profonde méditation. Sans se départir du samadhi, il accomplit le même geste que les Karmapas du passé et revêt la Coiffe Noire. Indissocié de Chenrezik, il récite alors son mantra en six syllabes, OM MANI PADMÉ HUNG, en égrenant son rosaire de cristal.
Topga Yugyal Rinpoché (1942-1997), nommé dorjé lopön de la lignée, puis secrétaire général par le XVIe Karmapa, explique que l’assemblée n’assiste pas passivement à la cérémonie mais doit y prendre une part active pour en retirer les bienfaits :
Lorsque vous voyez la Coiffe Noire, visualisez de manière concentrée, avec confiance et dévotion, que des rayons lumineux émanent du corps, de la parole et de l’esprit de Karmapa et vous pénètrent. Ainsi, les inclinations néfastes causées par le double voile des obscurcissements affligeants et du connaissable, au niveau de votre corps, de votre parole et de votre esprit seront purifiées. Ceci permettra que vos corps, parole et esprit soient indissociables de ceux de Karmapa. […] Pensez que voir cette Coiffe Noire dont la Vue Confère la Libération permet à vous-mêmes ainsi qu’à tous les êtres d’actualiser l’état de bouddha.
Dans le Lankavatara Sutra, le Bouddha a énoncé :
Ceux dotés d’une Coiffe Noire et revêtus de vêtements monastiques
Accompliront sans discontinuer le bien des êtres
Jusqu’à ce que l’enseignement des mille bouddhas touche à sa fin.
Selon Guru Padmasambhava :
Une émanation de la parole d’Avalokiteshvara,
S’est retirée de Tushita pour le bien des êtres.
Sa première incarnation, connue sous le nom de Düsum Khyenpa à l’activité secrète
Détient la Coiffe Noire, signe de l’initiation et ornement de sa famille.
À chaque instant de sa vie, il guide un nombre immensurable d’êtres sensibles vers l’éveil.
Quiconque voit, entend, se souvient ou touche ces Karmapas,
Renaîtra auprès d’arya Avalokiteshvara, dès qu’il quittera cette vie.
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial
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