De l’esprit clair, la confiance dans les enseignements s’élève.
Les Trente-sept pratiques des bodhisattvas
Créer les conditions pour l’étude, la contemplation et la méditation est au cœur de l’ancrage de la sagesse bouddhiste en Occident, et de son intégration dans l’esprit des pratiquants.
Les cinq ressources préconisées par le XVIᵉ Karmapa Rangjung Rigpé Dorjé sont toutes reliées à ces trois grands aspects de la voie bouddhiste.
C’est donc dans ce cadre que, le 15 juillet 1994, l’Université d’été de Dhagpo Kagyu Ling est lancée. Cette étape, décisive, ouvre aux Européens l’accès aux bases de la philosophie bouddhiste, trésors de la connaissance, tels qu’enseignés par le Bouddha et les maîtres hautement réalisés qui lui ont succédé.
Le XVIᵉ Gyalwa Karmapa avait souhaité voir se réaliser ce projet afin que les Occidentaux puissent recevoir des enseignements de base du Bouddha, et il avait par ailleurs indiqué des textes clés à enseigner. Ce sont Künzik Shamar Rinpoché et lama Jigmé Rinpoché qui ont œuvré au mûrissement de ce souhait.
À partir de 1991, afin d’obtenir un diplôme d’études bouddhiques délivré par des grands érudits de la lignée karma kagyü, des étudiants occidentaux se rendent à New Delhi, au Karmapa International Buddhist Institute (KIBI) inauguré l’année précédente par Künzik Shamar Rinpoché. L’enseignant et traducteur Dominique Thomas, résident à Dhagpo Kagyu Ling à l’époque, en faisait partie :
C’était super pour nous de pouvoir étudier comme ça mais ce n’était pas possible pour tout le monde de venir pendant cinq mois d’affilée au KIBI. Et d’un autre côté, il y avait des stages de philosophie, des études de textes à Dhagpo, mais c’était sur quelques jours, et on reprenait l’année suivante. C’était un peu disparate. D’où l’idée de créer cette université d’été.
Le cycle d’études de l’Université d’été est programmé sur cinq ans, à raison d’un mois chaque été. Le programme est dense : en première année, l’étude du Soutra du grain de riz ( Samadhirajasutra, en sanskrit) et le commentaire de Kamalashila ; les années suivantes : Les Soixante Strophes qui démontrent la vacuité et La Précieuse Guirlande du madhyamaka de Nagarjuna ; Le Trésor de la Théorie de la Perception, de Sakya Pandita ; Distinguer le Dharma et le Dharmatha, de Maitreya à travers la parole d’Asanga ; Chant de la réalisation du mahamoudra, de Saraha ; Le Mahamoudra enseigné sur les berges du Gange, de Tilopa ; Les Dix Aspects de l’ainsité, de Maitripa, etc.
Khenpo Chödrak Rinpoché, directeur du KIBI ainsi que de l’Institut Nalanda des hautes études tibétaines du monastère de Rumtek, et Topga Rinpoché, tous deux grands érudits de la lignée, enseignent chaque matin. L’après-midi est consacré aux répétitions et à l’approfondissement avec des étudiants et traducteurs ayant déjà étudié au KIBI. Les commentaires des textes racines sont donnés d’une façon condensée tout en préservant l’essentiel de leur signification profonde. Des cours de tibétain sont également dispensés.
L’université d’été prend immédiatement une dimension internationale, accueillant des pratiquants d’Allemagne, d’Autriche, du Danemark, d’Espagne, d’Italie, de Suisse etc. Il est demandé à chaque étudiant de se munir d’une radio avec modulation de fréquence ainsi que d’un casque pour écouter la traduction dans la langue choisie.
Les premières années, l’université comptent moins de Français, qui se consacrent davantage aux pratiques méditatives et à la préparation aux retraites qu’à l’étude philosophique. La plupart des étudiants logent sur place, y compris sous leurs tentes dressées dans la pinède derrière le réfectoire. L’enseignement est traditionnel, au plus près des textes.
Au fil des ans, il y a des choses qui ont un petit peu changé pour essayer de nous faire comprendre, comme dans les exemples qui étaient pris. C’est au moment des questions-réponses que Khenpo essayait de s’adapter à notre vision quand même assez limitée et matérialiste, témoigne Dominique. Au tout début, c’était assez chaotique parce qu’on était quand même très mal équipés. Cela se passait dans la rotonde. Rinpoché enseignait, la traduction était faite depuis le tibétain vers l’anglais[1] et on était dans la même pièce par petits groupes autour des traducteurs pour la traduction simultanée en espagnol, allemand et français, il y avait des échos. C’était très détendu comme ambiance mais super studieux. Il y avait une sacrée motivation.
À l’époque il n’y avait pas non plus de bibliothèque et la plupart des textes étudiés n’étaient pas traduits en français. Petit à petit, au fil des années, l’université s’organise, avec des groupes constitués pour se répartir différentes tâches. Des planches de bois sont disposées entre les traducteurs afin de réduire le bruit et ainsi gagner en confort.
Yeunten, qui s’appelait alors Marie et n’avait pas encore pris les disciplines de fidèle séculière, arrive à Dhagpo fin 1998, à l’âge de 52 ans, après avoir quitté un poste à responsabilités à Paris. Elle commence l’Université d’été en 2000, qu’elle poursuit avec assiduité jusqu’à ce jour. Lorsqu’elle arrive à Dhagpo, elle est adepte de l’hindouisme, après avoir baigné dans la chrétienté puis le New Age :
La rencontre avec Khenpo était un coup de cœur. Il m’a ouvert l’esprit, au niveau de l’étude et de la compréhension des textes. Je me suis mise toute suite à l’étude alors que j’étais nulle là-dedans. Je suis autodidacte, je n’ai pas de diplômes. Je ne comprenais strictement rien ! Je prenais des notes à tout va, sans les comprendre. Un jour, khenpo Chödrak nous a dit : “ quand vous choisissez une voie, il faut aller jusqu’au bout”. Le soir même, j’avais arrêté tout ce qui n’était pas le chemin bouddhiste. Ça m’a permis de voir que cette voie-là, elle te libère définitivement de la souffrance, et c’est comme ça que j’ai accroché.
L’étude vous fait faire un travail intellectuel mais qui, finalement, va nous amener à lâcher un certain nombre de certitudes, explique Dominique. Ça nous permet d’écarter toutes les idées fausses que l’on a, et puis surtout, ça donne confiance dans l’enseignement du Bouddha et dans le chemin. Parce que quand on regarde les enseignements des grands maîtres et les commentaires, on voit qu’ils ont véritablement tout étudié, pas forcément de manière intellectuelle, mais que leur réalisation voit vraiment la confusion dans tous ses détails et l’absence de confusion dans toute sa splendeur.
Exprimant sa gratitude illimitée envers les maîtres de la lignée, Yeunten n’a aucun doute sur l’avenir. L’année dernière elle a donné une lettre à khenpo Chödrak pour lui exprimer sa gratitude ; lors d’une rencontre précédente où elle lui avait confié : « J’espère que je renaîtrai par exemple à Sharminub, au Népal ». « À ce moment là, dit-elle, il me regarde, frappe dans ses mains et dit : “ très bien Yeunten, on pourra faire des débats ensemble !” » Et Yeunten poursuit : « Je suis un enfant qui commence à découvrir une merveille et qui va continuer dans les vies prochaines, jusqu’à ce que je puisse un jour enseigner ».
Depuis plus de trente ans, khenpo Chödrak Rinpoché[2], aujourd’hui âgé de 75 ans, vient donc enseigner aux pratiquants les trésors de la connaissance bouddhiste. En 2024, il reprend l’étude sur Les Étapes de la Méditation (Bhavanakrama) de Kamalashila, qu’il poursuit ce mois-ci, à partir du 8 juillet.
En plus de l’université d’été, lama Jigmé Rinpoché a pris soin de mettre en place les conditions pour que les résidents de Dhagpo Kagyu Ling de même que les membres motivés des centres urbains affiliés à Dhagpo (KTT) reçoivent une éducation au Dharma. À partir de 2006, il demande à khenpo Chödrak Rinpoché de venir en cours d’année pour enseigner à la communauté lors de retraites annuelles d’étude.
Puis, à partir de 2010, lors de retraites annuelles, des khenpos et acharyas de l’Institut d’étude Shri Diwakar en Inde viennent partager avec la communauté leurs connaissances sur des textes spécifiques. Tous les matins, les étudiants se réunissent pour étudier et restituer les enseignements reçus ensemble.
L’Institut est inauguré en 2013, offrant des conditions optimales pour l’étude, la réflexion et la méditation – une évolution qui inspire de la gratitude et pose des fondations solides pour acquérir les connaissances permettant de cheminer vers l’éveil. « C’est vraiment des concours interdépendants de causes et conditions qui se réunissent pour arriver à ce que vous voyez maintenant », conclut Yeunten.
[1] Interprétation du tibétain vers l’allemand par Tina Draszczyk, du tibétain vers l’anglais par Kiki Eckselius et Hannah Nydhal, vers le français par Dominique Thomas. Par la suite, Tulku Trinlay traduit du tibétain vers le français.
[2] Togpa Rinpoché décède en 1997
Université d’été au fil des ans : 1994 à 2024
Session de questions-réponses des étudiants de l’Institut
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial
Événement
L’arrivée
Ces photos proviennent de nos archives ou ont été recueillies dans le cadre des recherches pour les 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Nous n’avons pas pu identifier tous les auteurs. L’utilisation des photos est à titre informatif dans le cadre de la célébration des 50 ans de Dhagpo Kagyu Ling. Leur usage est limité à cette actualité et à notre site et n’est pas à usage commercial